Antonio Díaz-Florián
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BIOGRAFÍAMONTAJES PIEZAS ARTÍCULOS
 
     
 

2007 - El bufón trágico andino y su tocayo europeo - A. Díaz-Florián.
2004 - El Corral de Comedias en compañía del Caballero de Olmedo - A. Díaz-Florián.
2004 - La Cartoucherie: une aventure théâtrale - Joël Cramesnil. (extractos del libro en francés)
2000 - Teatro Latinoamericano: Entrevista Díaz-Florián - Osvaldo Obregón.
1991 - Tamerlan: The beauty of the Resistible Tyrant. - Brian Singleton.

 

LA CARTOUCHERIE
Une aventure théâtrale

Joël Cramesnil.
Les Éditions de l'Amandier/Théâtre - 2004

 

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1966-68
1969-70
1971
1971-72
1973
1974-76
1977-80
1980-85

1985-94

1977 / 80

L'Atelier de l'Epee de Bois passe au theatre de texte.

Du fait de sa démarche et de la nature de ses créations, I'Atelier de I'Epée de Bois a été assimilé à un théâtre de recherche expérimental. II est progressivement devenu prisonnier de cette image qui a été très vite associée à l'idée d'un travail exclusivement mené en cercle fermé. Cette perception de l'Atelier de l'Epée de Bois est d'autant plus accentuée par son mode de fonctionnement artisanal où toutes les créations sont le fruit d'un engagement à la fois physique, manuel et intellectuel de tous les membres de la troupe. En outre, les réactions du public et les commentaires de la presse suite aux différents spectacles, ont souvent renvoyé l'Atelier de l'Epée de Bois à ses propres questions, alors que sa conception du théâtre est fondée sur un véritable désir de partage. La troupe a donc conscience de la nécessité d'un changement dans son mode de créativité et le recours au texte se présente comme l'alternative la plus constructive : "Conscients que la poursuite de notre démarche dans ces conditions nous acculait au piège de se complaire dans une certaine utopie théâtrale, nous décidons de sortir de notre îlot artistique et de confronter notre travail dit marginal, à un public plus vaste en abordant le théâtre de texte" 18V.

Le travail de recherche se poursuit donc toujours de sorte que les interprètes se confrontent en profondeur à un thème précis, mais la présence de l'auteur et de son texte ne permet plus de suivre exclusivement les impulsions de chacun. Le terrain de la prise de risque individuelle quitte donc le cercle exclusif de l'intimité des interprètes pour s'engager dans une rencontre personnelle avec Eduardo Manet et sa pièce Madras. Ce texte est construit sous la forme d'un huis clos se déroulant dans une cave, où une famille de riches colons s'est réfugiée un soir de révolution. Dans ce salon de fortune, les différents membres de la famille se querellent et se déchirent. La mère est obsédée par le souvenir de son amant disparu à Madras après y avoir été fusillé un soir, ses deux fils ont soif de meurtre et haïssent le peuple qui est en train de se révolter. L'un des deux ne rêve que de combats et illustre ses propos en agitant constamment une épée : il hésite longuement à se décider, puis sort dans la rue et s'y fait tuer. Egalement présente, la gouvernante n'espère qu'en son amant qui se révèle être un vieux prêtre cupide n'en voulant qu'à son argent. Enfin, l'autre domestique rejoint la révolution, laissant ainsi la mère seule et enfermée dans sa folie. Au niveau scénographique, l'Atelier de l'Epée de Bois imagine le salon d'une grande demeure où il ne reste que quelques éléments d'un riche mobilier d'autrefois et dont les murs reflètent l'état d'enfermement de cette famille. Dans le projet initial, les spectateurs sont installés dans les fauteuils du salon où se trouvent les personnages et la menace de l'extérieur doit créer une situation de désespoir ne laissant aucune possibilité de fuite : "La révolution doit exterminer ce dernier résidu de cellule fasciste. Les personnages ne doivent pas être de simples détraqués mentaux. Il faut qu'ils puissent dépasser leur aspect de folie anecdotique pour retrouver leur démence sociale et historique". A l'exception de quelques aménagements liés aux conditions économiques de la production - en guise de fauteuils les spectateurs doivent se satisfaire de caisses en bois - la mise en scène de Madras se tient à ce qui avait été formulé en projet et les spectateurs sont donc introduits dans ce salon par petits groupes de quatre qu'un comédien guide dans le noir à l'aide d'une lampe torche : "Ce baroquisme hautain, macabre, n'est certes pas dépourvu de complaisance. II fatigue et fascine. Mais il nous brûle, impérieusement et il n'ait peut-être pas de voyeurisme plus voluptueux, qu’être pris dans les remous des empires qui s’effondrent C -W1. La pièce est créée le 29 novembre 1977 à l'Atelier de l'Epée de Bois et elle est présentée au Festival de Nancy l'année suivante. Depuis qu'Antonio Díaz-Florián s'est engagé dans la mise en scène, c'est la première fois qu'il se confronte à la représentation d'un texte sans se livrer à une déconstruction de la narration écrite, mais les encouragements ne sont pas unanimes : "// en découle une totale inadéquation entre le texte de l’auteur et le jeu des comédiens qui essaient sans cesse de s'y accrocher sans jamais y parvenir totalement 192.

Cependant, le pas franchit en 1977 avec Madras ouvre une période de trois ans durant laquelle l'Atelier de l'Epée de Bois va chercher à sortir de ses propres murs pour se confronter à un public plus vaste. L'objectif vise également à apporter un éclairage nouveau sur ses propres contradictions car l'envie d'un théâtre de recherche s'oppose au désir d'un véritable partage avec le public: "Nous voudrions concrétiser notre recherche d'une plus grande communion sociale, conscients qu'il s'agit sans doute d'une utopie, nous voulons cependant, au-delà même de cette frontière, chercher une nouvelle raison de vivre et de créer" 39. S'agissant de la diffusion de ses spectacles à l'extérieur de la Cartoucherie, la troupe se retrouve tout à la fois confrontée à sa méconnaissance de la diffusion théâtrale, à son manque d'expérience dans les relations publiques et à sa grande incompétence administrative. L'Atelier de l'Epée de Bois avance donc pas à pas dans le domaine de la production, tandis que la troupe maintient son choix d'un théâtre de texte et prend compte du public dès les premières phases de la création du spectacle. Parallèlement à ces choix, l'Atelier de l'Epée de Bois se met à la recherche du public auprès des collectivités, mais aussi en milieu scolaire où il mène ses premières animations. Par ailleurs, de mai à juin 1978, l'Atelier de l'Epée de Bois accueille De la 24ème à la 31ème nuit Shéhérazade dit, d'après Les Mille et une nuits, par Michel Hermon et Lucien Melki (Théâtre Neuf).

A la rentrée 1978, l'Atelier de l'Epée de Bois choisit d'adapter Les Justes d'Albert Camus et va réussir à rencontrer un public beaucoup plus large. A travers cette pièce, l'auteur met en conflit l’importance accordée à la vie des innocents face à la nécessité de se livrer à des actes terroristes pour contribuer à la libération des peuples. Mais dans son adaptation, l'Atelier de l'Epée de Bois brise l’argumentation rhétorique du texte tandis que la direction d'acteurs atténue le caractère symbolique des personnages pour les transformer en "possédés dostoïevskiens". Les répétitions sont complexes car l'investissement émotionnel des interprètes, conduit souvent la troupe à s'éloigner de la

Portée philosophique du message de l'auteur: "Nous avons ressenti dans le terrorisme contemporain cet appel désespéré que tout combattant adresse au monde pour changer un ordre établi. (...) Des lors nous avons fait subir au texte un traitement particulier en provoquant des écarts, des distorsions entre la parole et le jeu, entre la théorie et la présence charnelle du personnage, jusqu'à démythifier parfois le terroriste et ainsi tenter de l'humaniser d'avantage. (...) Nous n'avons pas respecté le mot à mot du texte, mais nous I'avons interrogé tant, qu'il est le reflet de nos questions et de nos contradictions qu’une représentation théâtrale ne saurait épuiser. Pour la troupe, la création de ce spectacle est un hommage rendu à la Fraction Armée Rouge** et constitue donc un véritable acte d'engagement politique. Le dispositif scénique se réduit à une table de bois posée au centre d'un grand plancher autour duquel les spectateurs sont assis sur des bancs. Les quatre interprètes se tiennent debout dans les angles du bâtiment où ils retournent chaque fois qu'ils sont hors scène. Les personnages sont tous vêtus « à la russe » (bottes, blouses et casquettes pour les trois hommes, longue jupe début de siècle et caraco noir pour l'unique femme) et l'évocation de la Bande à Baader est accentuée par les lunettes noires que portent les trois interprètes masculins. Enfin, pour définitivement arracher ces personnages à leur carcan symbolique, le jeu est extrêmement stylisé et le rythme de la représentation est ponctué par des sons de crécelle, des coups sur le plancher ou des jeux de lumières. II appartient donc au public de décider lui-même de ce qui est juste : soit en s'attachant au radicalisme dont ces personnages font preuve à travers leur engagement révolutionnaire, soit en rejetant le recours au meurtre par lequel ces mêmes personnages ont la prétention de contribuer au bonheur de l’humanité. Le spectacle est créé le 10 octobre 1978 à l'Atelier de l'Epée de Bois où il est joué jusqu'en novembre. II connaît un succès auprès du public, dont une très grande partie est constituée de scolaires. La troupe le donne en tournée de janvier à mai 1979, avant de le reprendre à la Cartoucherie jusqu'en juin. Durant la saison 1978/79, l'Atelier de l'Epée de Bois reprend également Yuro en novembre et Madras en décembre. En 1979, la troupe a le projet d'accueillir Jerzy Grotowski, Copi et l'Orbe Théâtre, mais seul l'accueil de Jean-Marie Patte (Théâtre du Jardin) avec (Oedipe, d'après Sénèque et Sophocle, peut aboutir de septembre à octobre 1979. Depuis six ans qu'il partage avec l'Atelier du Chaudron le même bâtiment, l'Atelier de l'Epée de Bois - qui regroupe alors une équipe de huit permanents - a réussi à aménager une salle de spectacle, une salle de répétition, un petit foyer d'accueil, un local administratif ainsi qu'un réduit pour y entreposer du matériel. Mais si le paiement du loyer de même que la réalisation des travaux sont menés de front par les deux équipes occupant chacune la moitié du bâtiment, des problèmes de cohabitation ont régulièrement surgi lors des périodes de programmation, puisque la salle de spectacle de l'Epée de Bois est contiguë à celle du Chaudron197 et qu'elles ne sont pas insonorisées : Il fallait donc faire des plannings et comme Antonio était très filou, il mettait des plannings qui n'en finissaient pas, et même s'il n'avait pas ses dates il en alignait sur des mois. Puisque nous n’avions pas le réflexe de nous dire "on sera prêt dans six mois donc on bloque" nous ne bloquions pas et cela créait des situations où il avait la salle tandis qu'il ne jouait pas, alors que nous en avions besoin. Les deux troupes en arrivent ainsi à des situations de partage extrêmement crispées, où le fait de poser ne serait-ce qu'un bout de bois entre un des murs du couloir, signifie qu'il est la propriété de l'un des deux groupes selon que le mur se trouve "côté Chaudron" ou "côté Epée de Bois". Enfin, cette cohabitation est régulièrement mise à l'épreuve par l'identité respective des deux groupes à travers la vie quotidienne, puisque l’Atelier du Chaudron est majoritairement féminin alors que l'Atelier de l'Epée de Bois est majoritairement masculin : "Quand il y a des femmes dans la troupe, c'est un gros problème. Aussi gros que de comprendre si on est né d'une femme ou du Bon Dieu. C'est vrai que nous sommes une société phallocrate et même qu'on la développe ! La femme de l'Epée de Bois, celle que nous demandons, est utopique... et elle est phallocrate, parce que non seulement on lui demande d'être femme, mais aussi homme. On la traite comme un homme. II faut qu’elle travaille comme nous, avec la même rigueur, sans aucune pudeur... mais en plus on veut qu’elle soit femme dans sa féminité, sa façon de penser, qui est différente de la nôtre. Parce que les filles qui sont garçonnes, on ne les aime pas non plus !"*99. La cohabitation entre les deux équipes devient quasiment impossible lorsque la solution se présente en juillet 1979 : Jean Dubuffet quitte la Cartoucherie et, après accord des théâtres, l’Atelier de l’Epée de Bois s'y installe définitivement au printemps 1980. Avant de franchir cette nouvelle étape, la troupe crée Fuente Ovejuna de Félix Lope de Vega. Basée sur un fait historique rapporté dans les Chroniques de Radés en 1572, cette pièce fut écrite en 1618 et relate une révolte de paysans contre leur seigneur durant le siècle d'or de l'Espagne colonialiste. Parmi divers abus de pouvoir, ce seigneur oblige toutes les filles du village de Fuente Ovejuna à devoir passer dans son lit et c'est donc l’une d'entre elles qui, après avoir été violée, décide de se rebeller et conduit tous les paysans à le poignarder avec elle. Cette pièce est l’une des plus célèbres du répertoire espagnol du XVIe siècle, mais elle est une des rares qui, à cette époque, décrit la révolte des petites gens et possède par ailleurs une véritable tirade féministe. Cependant, comme beaucoup d'autres artistes de son temps, Lope de Vega, ordonné prêtre en 1614 et par ailleurs membre de l'Inquisition, trouve sa protection chez les puissants et sa pièce rend donc également hommage à la royauté souveraine ainsi qu'au centralisme des rois catholiques. Cette fois encore, le travail d'adaptation scénique de l’Atelier de l'Epée de Bois refuse tout réalisme et tend à créer une atmosphère extrêmement forte à l'aide d'un minimum d'éléments scéniques: "Notre propos est de présenter une relecture d'une comédie héroïque où les paysans s'expriment et agissent selon le langage et le code de I'aristocratie". La représentation est plongée dans un faux jour maussade où le décor aux tons bruns et rouges évoque à la fois l’étable et la prison, l’éclairage mêlant flambeaux, bougies et projecteurs. Les acteurs, qui jouent plusieurs personnages de suite, portent tous un costume de base où sont rajoutés quelques signes de distinction extérieure précisant le personnage dont il est question. Le recours à une musique d'harmonium rappelle continuellement la présence de l'église, des rires remplacent les trois coups censés ouvrir les différents actes et des scènes de torture ponctuent

régulièrement l'action sur un mode très symbolique: un livre servant de presse pour broyer des bras, ou bien encore un chandelier manié comme un fer rougi destiné à marquer la chair. Le spectacle est créé au Théâtre d'Evreux le 6 novembre 1979, puis il est présenté à la Cartoucherie, en alternance avec une longue tournée jusqu'en décembre 1979.

 

 
     
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